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LE PÈRE GORIOT DE BALZAC ET LA FRANCE DU XIXE SIÈCLE

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 Format: MS word ::   Chapters: 1-5 ::   Pages: 50 ::   Attributes: Questionnaire, Data Analysis,Abstract  ::   1159 people found this useful

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CHAPITRE I

BALZAC, L’HOMME ET L’ŒUVRE

1.1 L’homme                                       

Honoré de Balzac est un écrivain français de la première moitié du XIXeme siècle. Il est le fils de Bernard-François Balssa et d’Anne-Charlotte Sallombier. Il est né à Tours le 20 mai 1799 et est décédé à Paris le 18 août 1850. Il est considéré comme un des plus grands écrivains français, et comme le maître incontesté du roman réaliste. Balzac est certainement devenu, avec Molière et Hugo, l’écrivain le plus représentatif de la littérature française dans ce qu’elle a de plus saillant et de plus universel.

 

1.2 L’œuvre

Honoré de Balzac élabora une œuvre monumentale, la comédie humaine, cycle cohérent de plusieurs dizaines de romans dont l’ambition est de décrire de façon quasi-exhaustive la société française de son temps, ou, selon la formule célèbre, de faire « concurrence à l’état-civil ». Il n’hésite pas, en pleine  monarchie libérale de Juillet, à afficher ses convictions légitimistes.

Le père de Balzac, administrateur de l’hospice de Tours, aurait imprimé à son fils, aîné de quatre enfants, le goût pour les systèmes et les idées.

Honoré de Balzac garde une préférence réciproque pour sa sœur Laura. De 1807 à 1813, il vit au pensionnat des oratoriens de Vendôme, avant de rejoindre deux institutions parisiennes, son père étant nommé à Paris dans l’administration des vivres. Clerc chez un avoué, il débute le droit, fréquente la Sorbonne et s’éprend de la philosophie. A la fin des années 1810, Honoré de Balzac exerça le métier de Clerc de notaire.

En 1819, il est reçu bachelier en droit. Comme il affirme une vocation littéraire, sa famille le loge dans une mansarde et le laisse un an pour écrire. Balzac s’efforce de rédiger une tragédie en vers, dont le résultat, Cromwell, se révèle décevant. L’ouvrage est médiocre et la tragédie n’épanouit pas ses facultés.

Il se tourne vers une autre voie, celle du roman. Après deux tentatives maladroites mais proches de sa vision future, il se conforme au goût de l’époque et publie des romans d’aventure, qu’il rédige en collaboration et caché sous un pseudonyme. Cette besogne n’est guère palpitante mais forge déjà son style.

En 1822, il devient l’amant de Laure de Berny qui l’encourage, le conseille, lui prodigue sa tendresse et lui fait apprécier le goût et les mœurs de l’ancien régime. Toujours méconnu, désireux de gloire, Balzac s’associe à un libraire et achète une imprimerie. Il fréquente ainsi les milieux de l’édition, de la librairie dont il dressera d’ailleurs une satire féroce et précise. Son affaire se révèle un immense échec financier. Il croule sous une dette s’élevant à cent mille francs. Rembourser la dette sera pour lui un souci perpétuel.

Après cette faillite, Balzac revient à l’écriture pour y connaître enfin le succès. En 1829, il offre au public La physiologie du mariage, considérée comme une « étude analytique » et le roman historique Les chouans. Ces réussites seront les premières d’une longue lignée, jalonnée d’œuvres nombreuses et denses.

La production de Balzac est l’une des plus profuses de la littérature française. Il décide de voyager et de fréquenter les salons. En 1832, intéressé par une carrière politique, il fait connaître ses opinions monarchistes et catholiques et repose sa doctrine sociale sur l’autorité politique et religieuse. En janvier 1833 débute sa correspondance avec la comtesse Hanska, une admiratrice polonaise. Il ira la voir plusieurs fois, en Suisse, en Saxe et même en Russie. Sa correspondance s’échelonne sur dix-sept ans, compilée sous le titre “Lettres à l’étrangère”.

De 1830 à 1835, il publie de nombreux romans : La peau de Chagrin (1831), Louis Lambert (1832), Sérophita, La Recherche de l’Absolu (1834), qu’il a considérés comme des romans philosophiques. Dans Le médecin de compagne, il s’expose un système économique et social. Gobseck (1830), La femme de trente ans (1831), Le Cononel Chabert, Le Curé de Tours (1832) inaugurent la catégorie « roman de mœurs » de son œuvre. Dans cette même voie, il approfondit encore le réalisme de ses peintres et dessine de puissants portraits de types humains. Avec Eugénie Grandet (1833) et Le Père Goriot (1834-1835). Il offre deux chefs-d’œuvre consécutifs, plus tard élevés au rang de classiques. Il reprend en décembre 1835 la revue « La chronique de Paris » dont la publication est suspendue six mois plus tard. Ses dettes sont encore alourdies par ce désastre, mais cela n’a aucune répercussion sur son activité littéraire.

Le Père Goriot marque d’ailleurs le retour de protagonistes déjà connus. Balzac va désormais lier entre eux les récits, en employant plusieurs fois les mêmes figures, creusant leur personnalité.

Cette récurrence de personnages l’amène à penser la composition d’une œuvre cyclique « faisant concurrence à l’état civil ». Il rêve d’un ensemble bien organisé, segmenté en études, qui serait la république de sa société. Il veut embrasser du regard tout son époque et l’enfermer dans sa comédie humaine. Toutefois, en 1837, le titre qu’il envisage est plus austère : Etudes sociales. Il continue l’élaboration de son récit, construit les pierres qui formeront son édifice. Il publie Le Lys dans la Vallée (1835-1836), L’histoire de la grandeur et de la décadence de César Birotteau (1837), La Maison Nucingen (1838), Le curé de village Béatix (1839), Ursule Mirouet (1841). La rédaction d’Illusions perdues s’étend de 1837 à 1843.

En 1842, les études sociales deviennent la comédie humaine. Les publications continuent, à un rythme régulier. En 1847 et 1848, Balzac séjourne en Ukraine chez la comtesse. De plus en plus souffrant, mais enfin riche et célèbre, Honoré de Balzac épouse Madame Hanska en Ukraine le 14 mai 1850 et les époux s’installent à Paris le 21 mai. Il meurt le 9 août 1850, trois mois plus tard, éreinté par les efforts prodigieux déployés au cours de sa vie. Son œuvre, si abondante et si dense, exige un travail vorace. La rumeur courut qu’il eut appelé à son chevet d’agonisant, Horace Bianchon, le grand médecin de la comédie humaine.

Il avait ressenti si intensément les histoires qu’il forgerait que la réalité se confondait à sa fiction. Il est inhumé au cimetière du Père – La chaise où Victor Hugo prononça un discours en forme d’oraison funèbre. En 1855, Madame de Balzac publie Les Paysans (écrit en 1844 et inachevé). En 1856, Charles Rabou publie Les Député d’Arcis (écrit en 1847 et inachevé). En 1876, sont publiées ses œuvres complètes en vingt-quatre volumes, six ans plus tard, sa femme meurt d’une crise de foie.

L’écrivain infatigable a accumulé les récits qu’il a groupé sous le nom d’études de mœurs, classées en sciences de la vie de province et en scènes de la vie parisienne (Eugénie Grandet : la duchesse de Langeais …) publiés en revues ou fournis in extremis pour honorer des contrats d’édition, ces contes ou ces romans reçoivent donc déjà une organisation. Mais c’est avec Le Père Goriot (1835) que l’écrivain conçoit l’idée de faire réapparaître certains de ses personnages dans de différents romans. Ce procédé lui permet de « relier ses compositions l’une à l’autre, de manière à coordonner une histoire complète ».

Désormais, on peut vraiment parler d’un monde balzacien.

 

1.3 L’œuvre choisie 

Voici le résumé de Le Père Goriot (1835)

Un soir de 1833, au moment où il allait commencer Le Père Goriot, Balzac se précipita chez sa sœur, Laure de Surville, et s’écria : « J’ai trouvé une idée merveilleuse. Je serai un homme de génie ». Il venait de trouver l’idée de la comédie lui-même et le mécanisme qui devrait lui permettre de bâtir son monde romantique : Le « retour des personnages ». C’est, en effet, à partir du Père Goriot que Balzac utilise systématiquement ce procédé. Reprenant ses œuvres antérieures – La peau de chagrin, Eugénie Grandet, il en change les noms des personnages pour intégrer ceux-ci dans le cycle romanesque qu’il a conçu. Le Père Goriot peut donc être tenu pour la clef de route de l’édifice à l’image de la pension Vauquer, il est un lieu de rencontre, un carrefour où plusieurs destins se croisent.

Le roman vit d’une vie multipliée par la perspective de la comédie humaine, beaucoup plus que d’une vie propre. Il est d’ailleurs malaisé d’en définir exactement le sujet : « un brave homme dépouillé pension bourgeoisie, 600F de rente s’étant dépouillé pour ses filles qui toute deux ont 50.000F de rente, mourant comme un chien ». Telle est l’indication que l’on peut lire dans l’album de Balzac et qui contient le genre de Père Goriot.

Mais le drame s’est modifié au fur et à mesure de son développement, au point que l’on s’accorde aujourd’hui à ne pas reconnaître dans l’agonie du père Goriot le sujet essentiel de l’œuvre. Quel est donc celui-ci ? C’est « l’éducation sentimentale » d’un jeune provincial à Paris. C’est l’apprentissage que fait Eugénie de Rastignac de la ville et de la vie, de la société, des hommes. A la fin du roman, cette éducation est achevée, c’est un homme mûri par une expérience précoce qui, après s’être écrié en contemplant la ville du sommet du père-Lachaisse : « A nous deux, maintenant » - va dîner chez sa maîtresse.

Le roman prend racine dans une pension de famille bourgeoise du quartier latin. La pension Vauquer, inoubliable pour tous ceux qui y ont pénétré à la fuite du romancier, en ont respiré les odeurs, se sont assis à sa table d’hôte. Là se rencontrent les types d’humanité les surprenant. Le jeune Rastignac, débarqué de son Périgord natal et venu faire la conquête de Paris. Le Père Goriot, vieillard qui s’est dépouillé peu à peu de son bien pour en faire profiter ses deux filles : Anastasie de Restaud et Delphire de Nucingen.

Vautrin, mystérieux personnage qui a pris Rastignac sous sa coup et le fait profiter de la terrible expérience qu’il a acquise des hommes. Devenu l’amant de Delphire, Rastignac verra le père Goriot achever de se ruiner par amour paternel et mourir seul, abandonné de ses filles.

Vautrin est démasqué et arrêté comme ancien forçat évadé. Avant d’être pris, il exhale sa haine de la société. Un autre drame, extérieur  la pension Vauquer contribué lui aussi à l’édification de Rastignac, c’est l’histoire de Madame Bauséant, abandonnée par son amant et qui s’exile après avoir donné un bal où tout Paris vient constater son malheur.

On voit donc, ainsi que le remarque de Maurice Bardèche, qu’il y a deux groupes de personnages dans Le Père Goriot. Le premier groupe comprend les êtres qui sont voulu obéir dans leur vie d’un sentiment noble et désintéressé : Goriot et Madame de Bauséant. L’autre groupe comprend les « adorateurs de Bal » : Vautrin, le forçat en rupture de ban, les filles du Père Goriot qui, elles aussi, rejettent le pacte social en trahissant leurs maris. Rastignac se trouve placé au centre, entre les deux groupes par sa jeunesse, sa naïveté de provincial, il est uni à ceux qui sont purs. Il est protégé de Madame de Beauséant, l’ami du Père Goriot.

Par son désir de parvenir et son indifférence au choix des moyens, il est l’amant de Delphine, l’élève de Vautrin. Mais les « purs » n’ont pas un sort meilleur que les « méchants ». Goriot meurt abandonné. Vautrin est arrêté. C’est que les sentiments élevés, ainsi que la révolte déclarée troublent la marche de la société. Celle-ci est la plus forte et impose sa loi. Il faut donc ruser avec elle, comme le font les filles du Père Goriot, et se soumettre, du moins en apparence, à la règle du jeu. C’est ce que fera Rastignac qui, après son adieu à la dépouille du Père Goriot, va dîner chez Madame Nucingen.

Albert Thibaudet n’hésite pas à voir dans Le Père Goriot une « cellule mère » de la comédie humaine. Non seulement parce que le roman contient la plupart des personnages clés de l’œuvre, mais parce qu’il nous initie au « mystère de la paternité » qui est à la source de la création balzacienne.

« Quand j’ai été père, dit Goriot, j’ai compris Dieu » (2) La paternité du créateur de la comédie humaine sur ses personnages, c’est une « imitation de Dieu le Père » collaboration avec Dieu.

Cependant, Goriot est un vaincu de la paternité « parce que père, selon la chair, est l’égoïsme ». Il est un « Christ de la paternité » par la passion qu’il souffre à cause de ses filles. Chez Balzac créateur, la paternité est sauvée par la volonté et aussi parce qu’il a appelé lui-même le « don de spécialité », c'est-à-dire le don de voir, à travers les espèces, les idées, qui sont à leur principe.

A travers le « cas » du Père Goriot, c’est une mystique de la paternité qui s’exprime. Mais avec Vautrin et son étrange et puissante sympathie pour Rastignac, c’est une sorte de parodie diabolique de cette même mystique. Goriot est un « christ de la paternité ». Vautrin en est l’ « archange déchu ».

Tous deux sont vaincus par l’excès même de leur passion et « trop grande abondance du principe-créateur ». Leur antithèse vivante, c’est l’antiquaire de la peau de chagrin qui a réalisé cette « mort dans la vie » par laquelle refuse toute passion violente, il a obtenu son extra ordinaire longévité. Le Père Goriot œuvre donc des perspectives sur la comédie humaine toute entière. « Non seulement nous y voyons en action une mythologie de la paternité, mais aussi une mythologie de Paris dont la pension Vauquer d’une part, et le salon de Madame de Beauséant d’autre part, constituent des lieux privilégiés de l’immense édifice ».   

 

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